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Le piège à mouche de NIDUS

·4 mins
Essai Critique

J’ai découvert NIDUS via un post sur reddit. Un gif du jeu m’a attiré. Des visuels lumineux, vibrants, hypnotiques… Je me suis dirigé vers la lumière.

Celle-ci m’a immédiatement subjugué. NIDUS ne ressemble à rien que je connaisse. Les lignes scintillent, les couleurs palpitent. Tout est toujours en mouvement, organique et frénétique. Régulièrement, des flash lumineux inondent l’écran. Les innombrables traits et détails colorés forment un tout purement psychédélique, dont il est impossible de percevoir l’ensemble. Alors que les formes dansent en tout sens, les sons participent eux aussi à cette aggression des sens. Une musique qui s’écrit au travers des actions du jeu, des signaux sonores constant, chaque créature ajoutant sa voix à ce mélange qui oscille entre cacophonie et symphonie. NIDUS m’a confronté à un chaos éblouissant. J’ai continué d’avancer.

Le jeu n’a pas tardé à exprimer davantage son hostilité. À l’image de ses visuels et sons, NIDUS est d’une intensité extrême. Le jeu demande de contrôler deux corps en même temps1 : une fleur et une abeille. La première doit être protégée, la seconde attaque les ennemis. L’attention doit en permanence alterner de l’un à l’autre. Esquiver les projectiles, attaquer les ennemis, se soigner, fuir, foncer pour briser le bouclier adverse, recharger, soigner, attaquer, esquiver, recharger, se cacher, attaquer, soigner, éviter… Il n’y a pas de pause, les vagues d’ennemis se succèdent sans relâche. Alors que l’abeille pourchasse des moucherons, un son nous avertit que la fleur vient de se faire toucher. Puis en essayant de la mettre à l’abri, l’abeille se fait submerger et perd toute son énergie. Un flash, je viens de terrasser un ennemi puissant, un autre flash, trois autres sont apparus au bord de l’écran… Au fur et à mesure que la difficulté augmente, l’écran devient illisible, et je me brûle face à l’adversité.

chaos

Dans son impénétrabilité, NIDUS trompe le joueur avec deux mensonges. Le premier est de faire démarrer au mode de difficulté intermédiaire, laissant croire qu’il s’agit du mode normal. J’ai initialement souhaité avoir l’expérience souhaitée par le game-design. Mais après de trop nombreux échecs, j’ai fini par ravaler mon orgueil et me suis rabattu sur le mode de difficulté en-dessous. Si celui-ci est effectivement généreux, il s’est avéré être une bien meilleure entrée pour découvrir le jeu et progresser. Le deuxième mensonge est plus insidieux. Dès son démarrage, NIDUS recommande de jouer à la manette : un stick pour la fleur, un stick pour l’abeille. C’est un conseil trompeur. J’ai trouvé le jeu bien plus gérable au clavier et souris. Je suis pourtant un joueur console, et je m’attendais à préférer le confort de la manette ! Mais la fleur et l’abeille n’ont pas la même vitesse, et ont des contrôles différents qui ne conviennent pas à la symétrie de deux sticks. Le clavier et la souris ont créé une synergie plus naturelle pour moi : le contrôle lent au clavier de la fleur me permettait de me focaliser sur elle et bouger rapidement l’abeille comme un curseur de souris, en ne la surveillant que du coin de l’œil. Et j’ai ainsi persévéré.

Je me suis laissé enfermé par la boucle arcade du jeu. Pas de checkpoint, la défaite ramène toujours au point de départ. Le jeu est fait de cycles. Celui de la mort et la renaissance. Celui de la fleur qui nourrit l’abeille, et l’abeille qui revigore la fleur. Celui des niveaux qui se succèdent avec tous la même structure. Tout est fait de répétitions. Petit à petit j’ai appris les comportements des ennemis, les meilleures stratégies à adopter, les dangers à anticiper. J’ai acquis un instinct animal, je me repérais aux sons, aux mouvements, aux lueurs… La dualité des contrôles et la rapidité des adversaires m’empêchaient d’observer parfaitement leurs mouvements, alors j’ai dû me fier à ma vision périphérique. Deviner les points faibles, prévoir les attaques, saisir le bon moment. J’étais parfois incapable de savoir ce qu’il se passait à l’écran, mes gestes étaient automatiques. Je suis entré dans une transe. Faite de néons psychédéliques, de sons permanents, d’insectes virevoltants, d’explosions, de lutte… J’ai fini par m’adapter à cette jungle, ai acquis les réflexes et l’endurance nécessaire pour y survivre, et voir la fin du tout dernier cycle.

boss

NIDUS est loin d’être parfait. Sa difficulté impitoyable rend le jeu difficile à aborder, son univers visuel et sonore épuise rapidement les yeux et oreilles, et même ses contrôles sont par moment douloureux. Mais c’est une expérience atypique tout à fait unique. Je ne connais aucun jeu qui ressemble à NIDUS, ni qui ne se joue comme NIDUS. C’est une lumière qui attire irrésistiblement ses proies, en fait fuir beaucoup par son hostilité grandissante à mesure qu’on l’approche, puis referme son piège sur les plus téméraires qui se sont risqué à y pénétrer.


  1. Pour l’expérience solo. Il est aussi jouable en coopération à deux, ce qui est sans doute préférable si vous en avez la possibilité. ↩︎

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